jeudi 16 novembre 2006

L'enfant clé

Tout d’abord il y eut ces odeurs, les odeurs apportées par des centaines d’élèves plus ou moins noirs, plus ou moins propres, plus ou moins parfumés qui franchissaient, en grappes de muscat, la grille du portail d’entrée. Des odeurs de peaux, musquées, fortes, en sueur ; des odeurs de vêtements remplis de vieux relents, imbibés de la transpiration de la veille, des vêtements mal séchés qui respirent le vomi, les pieds et les œufs ; des odeurs de coquetteries, exhalées par les toisons brunes et frisées, d’où les shampooings bon marché et les lotions en tous genres, vous empoignent les narines. Des odeurs exhalées par les peaux parfumées depuis peu ; des odeurs fétides s’échappant des bouches occupées à échanger leur haleine.
Ensuite, il y eut cet enfant, ce petit sixième à la cantine : L’enfant clé.
Il portait autour de son cou, en guise de pendentif, accroché à une méchante ficelle, une clé grisâtre, toute simple et pourtant riche de sens …
L’enfant clé est un rayon de soleil, il est tout petit, tout frisé et son sourire est un poème.
Cette clé le fait grandir trop vite, cette clé annonce sa solitude.
Personne ne viendra l’accueillir sur le seuil de sa porte.
Pas de maman, les bras ouverts.
Pas de chocolat fumant sur la table de la cuisine, mais des bus, des cars et la télé qui s’allume.
L’enfant clé rentre du boulot comme rentrerait son père s’il était seul.

Aucun commentaire: