lundi 27 novembre 2006

Au revoir petit garçon...


Tu t’es couché comme un gros chien, sur le flanc, l’œil ouvert mais vitré.
Je t’ai caressé, tu étais encore tout chaud.
Je t’ai appelé en ouvrant les volets : « Martin ! Martin !» Mais il n’y avait déjà plus de Martin, plus de « Hi ! Han !». Tu es parti te coucher dans ta maisonnette pour mourir tout seul.
Comme elles étaient douces tes longues oreilles ! Et ton galop dans l’enclos à la façon d’un poulain ! C’était trop beau…
Ton museau tout chaud, tes naseaux écumant après la folle course. Et toutes ces suppliques, toutes ces lamentations que l’on dit disgracieuses. Comme il me manque ce long sanglot saccadé et plaintif, ce poitrail qui se soulevait, la bouche ouverte, la tête en avant jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à l’intérieur.
« C’est bien Martin, il est gentil Martin, il est beau Martin.» «Adieu Martin.» Tu laisses un gros trou à la mesure de ton immensité.
Trois semaines de tendresse, des projets tracés sur une quarantaine d’années et puis … l’équarisseur qui t’emporte. Tu étais beau, allongé de tout ton long, de toute ta masse, sur la terre battue.
Je n’ai pas voulu y croire tout de suite ; alors, je t’ai secoué, j’ai tâté ton gros ventre, je t’ai appelé une dernière fois « Martin ».
Trois semaines et déjà une si grande place dans ma vie, mon cœur élargi peine à reprendre sa taille d’avant.
Moi, je t’aurais aimé comme un compagnon, comme un p’tit garçon. On aurait partagé nos vies en ballades et en sorties ! Ma grosse carcasse, tu t’es endormi. Comme il était joli l’ami Martin ! Avec tes p’tits sabots et ton crottin, ton front touffu, ta grosse tête et tes yeux en biais, si malicieux.
C’est fou la place que tu a si vite conquise. Pourquoi t’es parti si tôt, Martin ? On avait tellement de choses à partager.
Au revoir mon beau zèbre. Adieu grandes oreilles. On aurait fait de sacrés copains tous les deux ! Moi qui n’en avais plus.
Réveille-moi si tu veux me raconter ce qui c’est passé. Pourquoi t’es mort ? Qu’est-ce que t’as mangé ? T’as pris froid ? Tu t’es angoissé ? Mon gros chien plein d’poils.
On a fait une belle petite ballade tous les deux, pas vrai ?!
Si tu savais comme je voulais t’aimer. Bonne nuit Martin et veuille bien me pardonner si, par négligence, c’est moi qui t’ai tué. Tout le monde est triste, même ceux qui ne te connaissaient pas. Faut dire que j’avais tellement parlé de toi !
Au revoir, petit bonhomme.
Tu vas nous manquer, comme un petit garçon qui n’aura pu grandir.
«C’est bien Martin, gentil Martin, il est beau Martin.»
Mon p’tit bonhomme, mon innocence animale, ma tendresse rebelle.
Un gros bébé si loin des brutalités, des mesquineries, des trahisons, des fourberies, des préoccupations humaines. Tout plein de poils, tout plein d’amour sage et pur.
L’âne Martin s’en est allé ! Quel regret, quels souvenirs, pourtant si bref mais si intenses !
La vue, le toucher, l’odeur, les bruits !
Ta grosse tête appuyée contre le carreau de la porte fenêtre de la cuisine pendant que je corrigeais, et le jeu ! Ce jeu du poulain tout gauche et craintif, ta bouche-main et tes dents que l’on craignait.
Adieu mon Marin, tu me manques, je t’aimais, tu sais ; un fils, un copain, un complice, mort avant que d’avoir pu nous apprécier.
Au paradis des ânes, y’a du foin et de l’amour ?
Réponds-moi vite… A bientôt dans nos rêves, pauvre petit garçon.







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