lundi 4 décembre 2006

RIMBAMBIRE



« Papa, maman ! »

Mon grand-père se meurt en silence, la mort danse dans sa tête, il l’appelle, il la repousse, elle arrive en dansant et s’éloigne en dansant.

« Papa ! » « « Maman ! ». « Ma mère a tant souffert qu’elle est dedans sa tombe et se moque des bombes et se moque des vers ».

Tu as beau les appeler, pépé, seule leur image flotte dans tes souvenirs mais, tu les as tellement chéris tout au long de ta vie ! Tes yeux s’étoilaient de larmes lors de tes récits familiaux ; tes yeux… si malicieux, ils brilleront bientôt dans les cieux.

Comme c’est étrange : « Papa ! » « Maman ! », la vie s’enfuit de ton corps mais ton enfance est contenue dans ton dernier souffle ; avec lui elle ira dans les brumes blanches… Mais pas avant.
Les Italiens ont forgé le verbe, cioè ( c’est-à-dire ) tornare bambino : retourner, redevenir enfant. Ce mot est doux comme ton âme, il résonne de tes jeux d’enfant : RIM ! BAM ! BIRE ! , de tes courses, de tes rires torrents, de ta vie d’avant.
Les italiens parlent d’un parcours, d’un voyage, d’une régression lente : ils retournent, à pied et à mémoire, là où les Français « retombent » brusquement comme une masse décrépite et grave.
RETOMBER : tomber à nouveau, comme si la première expérience de l’enfance était douloureuse ; si l’on retombe, c’est bien parce qu’au départ, il y a eu une chute : TOMBER, CHUTER, que de souffrances dans ces verbes là.
L’enfance est-elle si brutale, si douloureuse que ça ? Certes non.
« RETOMBER » : double chute, double douleur.
Outre la douleur, la chute engendre la déchéance.
L’enfance, cet age « idiot » où l’on n’est pas un homme responsable, sérieux, grave, mûr et réfléchi ; triste, conscient, souffrant, travaillant et luttant.

Qu’elle est jolie la vie de l’homme !

L’enfance, vue comme une époque à enfouir, à cacher, à bannir.
Quelle tristesse devant ce verbe : « RETOMBER ». Cet état annonce la mort que renferme la « TOMBE » du verbe. Tout est dit.

« Pépé ! Tu oublies, tu renies ta dignité d’HOMME, ton honneur, ton orgueil, ta force ; tu déchois et tu t’enfuis dans la petite mort du début de la vie : Tu les emmerdes ! »

RIM-BAM-BIRE : quelles joies dans ces sonorités ludiques !
Niché au creux de l’enfance, le vieillard qu tu es s’abrite de la pluie macabre, ta vieille carapace se mue en une peau tendre et innocente ; les plaisirs, les images vertes et chaudes combattent tes tourments corporels.
L’enfance danse avec la mort, elle ne la connaît pas ; la vieillesse est enterrée avec ses ombres, l’enfant a tué le vieillard, la mort danse avec l’enfant.
Gloire à toi qui ne méprises pas l’âge tendre ! Gloire à toi qui ne refoules pas ton innocence, ta faiblesse, tes rêves.
Les hommes, les vrais, ceux qui veulent le rester jusqu’à la fin, crachent sur eux-mêmes en crachant sur leur enfance. Ils sont à jamais souillés par la grisaille de leur pauvre moralité, de leur amère réalité, de leur sale conscience.
Les hommes, les vrais, seront trop vieux pour affronter la mort.
Elle les fera danser aussi, elle fera danser leur maturité, leur conscience et leur orgueil.
Ils danseront et l’enfant les regardera tourner jusqu’à la fin. Assis, sur le rebord du souvenir… Il ne leur tendra pas la main.

PLONGER en enfance, REVIVRE son enfance, voilà des mots plus doux, voilà pépé, les mots que j’ai choisi pour exprimer simplement la fin de ta vie.

















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