vendredi 8 décembre 2006

La vie à vif



Ils étaient là, debout, pieds et poings liés.
Un épais bandeau noir, serré sur leurs yeux hagards, errant sur le tissu effiloché, incitait le regard à deviner.
Mais, l’attente, entre nuit noire et soleil de plomb, ne les trahissait nullement.
Sous cette chaleur suffocante, le dos tourné au mur, ces pauvres garçons croupissaient dans la moiteur de leurs vieilles hardes.
La peur envahissait leurs tympans, puis leur cœur, lorsque, sur un compagnon, la mitraille déchargeait sa fureur.
Les pas hésitants d’un homme qui chancelle, le bruit sourd d’un corps qui s’affale... l’image obsédante défilait sans cesse dans la nuit noire, sous ce bandeau ne mystifiant en rien la réalité.
Des cris brefs, une agonie écourtée par l’ultime salve et le corps des vivants qui tressaille, tressaille.
Sous la chaleur torride, des veines de sang noirâtres ruisselaient sur les cops inertes, donnant naissance à des flaques nauséabondes.
Le goutte à goutte du temps rendait la vie intolérable.
La mitraille avait cessée, mais, l’effroi résonnait, tel un écho, dans leur âme candide.
Le parfum musqué du sang, brûlé par le soleil, annonçait la terrible odeur de la mort, anéantissant tout espoir de salut.
Des larmes roulaient sur leurs joues imberbes.
Puis, le terrible cracheur de feu déversait, de plus belle, sa haine de souffre et de plomb, dans les cœurs déchirés par les cris des fusillés.
Des cris argentins qui couvraient avec force le tonnerre d’airain de l’affreuse machine.
Des cris humains capables de transpercer la vile carapace, de mettre à nu l’humanité enfouie de quelques soldats.
Des soldats, aveuglés par les larmes, le souffle court, l’âme blême, qui peinaient, à présent, à achever leur ignoble besogne.










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