jeudi 30 novembre 2006

L'étranger


Le monstre nocturne a déployé ses forces, les longues nuits paisibles sont mortes, la fatigue engendre le mal.
Lorsque le monstre surgit, au milieu du sommeil, la nuit se tait et l’on entend les cris et les pleurs.
Puis le monstre s’évapore ainsi que les larmes.
Il s’en va, au loin, dans le noir éternel, ce n’est qu’un « au revoir », l’étranger est chez lui en moi.








Boniface !

Réveil salvateur ! C’est un cauchemar traumatisant qui a accompagné mes dernières heures de sommeil. Il l’avait quittée et sortait à présent avec Rebecca. Le seul fait d’écrire ces mots me révulse, j’enrage, le meurtre m’anime !
La table est mise : Repas familial. Je ne suis pas présent. Les fiancés ne sont pas assis côte à côte. La blondine est en short et tee-shirt. Tout le monde bâfre et rit. J’arrive. Je me gare. Je gravis l’escalier qui conduit à la table et je l’entends, lui, dire qu’il allait épouser Rebecca. Je cherchai du regard l’ange affoli ; la promise baissait la tête, bachelette bégaude, tu consentais à cette union contre nature sans mot dire.
Le rouge de la pudeur envahissait ses joues mafflues, tandis que ce rustaud continuait son discours sur un ton paterne. Cet avorton blèche s’enhardissait au fur et à mesure.
Je ne pus endurer cette épreuve. Tes parents riaient.
La blondine quitta la table soudain, sans tristesse ni gaieté, emmurée dans son éternelle indifférence.
Je criais, je pleurais, je disais que ce n’était pas possible, qu’il fallait qu’il charme, une fois de plus, ce serpent ! Rebecca ne parlait toujours pas. Elle partit.
Il se leva pour l’aller embrasser… C’en était trop !
Mais le coup de grâce allait arriver : Rebecca revint revêtue de l’habit nuptial blanchissant tout sur son passage. La robe immaculée lui seyait à ravir.
Lorsqu’il la vit, le nabot se jeta sur la belle nicette et l’embrassa goulûment comme il soûlait embrasser sa promise auparavant.
Quel cauchemar !!! Et au lieu de me réveiller je m’enfermais dans cette réalité fictive.
Mon cœur était déchiré, broyé ; je n’avais plus assez de larmes, ma voix s’enrouait à force de cris, mes boyaux se tordaient de douleur à cette vue insoutenable !
Je réussis à parler à Rebecca, mon état ne l‘émut point.
- « Je peux te parler franchement comme je l’ai toujours fait ? »
- « Non, plus maintenant ».
Et ce sommeil qui ne voulait plus finir !!!
Quel supplice.
Elle riait, ses dents gélasines affichaient toute leur candeur. C’est au moment où ils allèrent sur l ‘herbe pour faire des photos qu'enfin je me réveillai, certainement recru et dépité.
Sa joliesse s’était envolée sur les lèvres de cet attrape minette. Boniface, tu riais un peu trop fort à mon goût. Il est certain que j’aurais accourci au plus tôt ton corps de farfadet si mon cauchemar eût continué. Un simple coup d’épée et on l’aurait vue rouler, ta tête hérissonne dont le rire gras résonnerait encore sur les pentes salébreuses conduisant aux thyrses d’où jamais l’on ne revient.


La femme .... vue par un jeune homme de dix-huit ans




Une crinière sauvage flotte sur des épaules satin, les lèvres entrouvertes elle sourit, elle dort, elle jouit, elle mord.
Le corps baigné d’une chaleur caressante exhale un parfum de jasmin qui envahit sa couche.
Sa peau luit uniformément.
Des perles de sueur coulent en cascade au creux de ses reins brisés ; une à une elles glissent, elles s’unissent en un lac salé, endigué par une croupe ayant la fermeté du cuir, la douceur de la pêche.
Tels deux monts de Vénus, séparés par un fossé, elles semblent dorées à l’or fin, elles n’aspirent qu’à être croquées et pétries ; bien plus que des fesses, ce sont des fruits.
Deux fuseaux divinement galbés en sont l’harmonieux prolongement duveteux.
Une brise futile rafraîchit l’alcôve, au dehors, l’épaisseur d’une nuit moite distille une vapeur envoûtante ; elle frissonne soudain, le lac s’ébroue et déborde dans le fin sillon de sa taille ; la petite rigole se précipite alors sur les draps.
Elle s’est tournée avec la grâce d’une lionne, féline jusqu’au bout des ongles elle s’étire… Elle est magnifique.
Racée, elle rayonne de jeunesse.
Son cou de biche domine une poitrine généreuse, affolante.
Deux seins de marbre sculptés par un maître de l’amour ont le moelleux du velours et le teint des chaumes.
Surmontés de deux framboises onctueusement juteuses, ils sont froids comme l’hiver et paraissent implorer des paumes masculines brûlantes d’envies, chargées de désirs.
La chaleur s’est accrue, un nouveau lac est né, son nombril en est le lit ; une rivière de sueur, s’étant frayé son sentier entre les deux collines de chair, inonde peu à peu le centre de son corps, conquiert la tendresse de son ventre lisse comme la plaine. Le liquide salé, tel un étang, s’y installe.
Quelle joie ce petit ventre mince et chaud !
La sueur n’ira pas plus loin, une forêt tropicale borde l’étang, on y respire des senteurs florales, des effluves de plaisir.
Il est dangereux de s’y aventurer car des sables mouvants vous y engloutissent sans crier gare.
Mais, il est des fois dangers si forts, si bons, si suaves, qu’ils vous envoûtent en un coup de reins.
Le chant des sirènes, c’est si bon de s’y laisser prendre.
La nébuleuse des sens ne s’assouvit jamais.
Le corps de femme est un puits de plaisir, un volcan de désirs.
Combler leur soif, tel est notre privilège.
Nous sommes les chênes, elles sont le liège, unis jusqu’à que l’on nous déchire.










lundi 27 novembre 2006

L'adieu

Notre ami a repris sa place auprès de nous, paisiblement.
Comme devant, sa voix grave tonne à nos oreilles.
Quelques œillades profondes, un rire qui se trémousse, rien n’a changé, tout est retrouvé, le fleuve Léthée s’est tari, notre ami a resurgi.
Cassis nous a accueillis comme ses enfants, de chaudes journées où la mer est claire, suivies de tièdes soirées où les braisent s’attisent.
Qu’elles furent douces ces soirées ! Le brasier, une fois éteint, les cordes vibraient sous les doigts de l’artiste, les voix caressaient la nuit veloutée, les regards se gonflaient d’amour : le brasier n’était pas mort, il brûlait toujours.
Celui qui, à présent, aligne ces courbes bleues sur ce papier, écoute le vent mugir ses adieux, il a vu la pluie ensevelir les amoureux, il connaît le cri des cœurs qui saignent par les yeux.
En silence, il écrit, dans « cette chambre noire », le vague à l ‘âme l’inonde peu à peu.
La biche dort «dans cette chambre noire », elle «a fermé les verrous » du désespoir.
Le vent, dehors, sèche les pleurs de l’intérieur.
Le félin, lui, sommeille, la tête appuyée contre la vitre mouillée, bercé par son voyage, il s’éloigne…
Leur ventre se noue, leur gorge se serre, des spasmes engendrent le frisson, la vie c’est trop con !
Demain il fera beau, nous partirons tous les trois. Mon amour, toi, tu es là, nous brûlons du même bois, mais lorsque ma sœur sanglote, j’ai froid. Je voudrais pouvoir la réchauffer, lui rendre sa joie.
Bientôt, comme le disait Schopenhauer, nous lirons à nouveau le livre dans l’ordre établi, la page deux, puis la page trois, le désordre était parfait, pourquoi ne dure-t-il pas ?

L’adieu de la biche

Mon âme sombre dans la clarté de nos chimères
Un dernier signe de ta part, puis, « au revoir »
Lors, les wagons s’engouffrent dans les entrailles du pays
Un dernier souffle de mon cœur tandis que les flots de larmes saignent sur les pierres glacées par la rébellion du ciel.





Déambuler dans une ville musée,
Panama, canne et le lin froissé,
Déambuler dans une ville rêvée,
Un sentiment d’immortalité,
Ruelles et venelles murmurent la bohème,
Places et fontaines.
Chamboler intra-muros,
Drapé d’un jeune printemps,
Cheminer.







Au revoir petit garçon...


Tu t’es couché comme un gros chien, sur le flanc, l’œil ouvert mais vitré.
Je t’ai caressé, tu étais encore tout chaud.
Je t’ai appelé en ouvrant les volets : « Martin ! Martin !» Mais il n’y avait déjà plus de Martin, plus de « Hi ! Han !». Tu es parti te coucher dans ta maisonnette pour mourir tout seul.
Comme elles étaient douces tes longues oreilles ! Et ton galop dans l’enclos à la façon d’un poulain ! C’était trop beau…
Ton museau tout chaud, tes naseaux écumant après la folle course. Et toutes ces suppliques, toutes ces lamentations que l’on dit disgracieuses. Comme il me manque ce long sanglot saccadé et plaintif, ce poitrail qui se soulevait, la bouche ouverte, la tête en avant jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à l’intérieur.
« C’est bien Martin, il est gentil Martin, il est beau Martin.» «Adieu Martin.» Tu laisses un gros trou à la mesure de ton immensité.
Trois semaines de tendresse, des projets tracés sur une quarantaine d’années et puis … l’équarisseur qui t’emporte. Tu étais beau, allongé de tout ton long, de toute ta masse, sur la terre battue.
Je n’ai pas voulu y croire tout de suite ; alors, je t’ai secoué, j’ai tâté ton gros ventre, je t’ai appelé une dernière fois « Martin ».
Trois semaines et déjà une si grande place dans ma vie, mon cœur élargi peine à reprendre sa taille d’avant.
Moi, je t’aurais aimé comme un compagnon, comme un p’tit garçon. On aurait partagé nos vies en ballades et en sorties ! Ma grosse carcasse, tu t’es endormi. Comme il était joli l’ami Martin ! Avec tes p’tits sabots et ton crottin, ton front touffu, ta grosse tête et tes yeux en biais, si malicieux.
C’est fou la place que tu a si vite conquise. Pourquoi t’es parti si tôt, Martin ? On avait tellement de choses à partager.
Au revoir mon beau zèbre. Adieu grandes oreilles. On aurait fait de sacrés copains tous les deux ! Moi qui n’en avais plus.
Réveille-moi si tu veux me raconter ce qui c’est passé. Pourquoi t’es mort ? Qu’est-ce que t’as mangé ? T’as pris froid ? Tu t’es angoissé ? Mon gros chien plein d’poils.
On a fait une belle petite ballade tous les deux, pas vrai ?!
Si tu savais comme je voulais t’aimer. Bonne nuit Martin et veuille bien me pardonner si, par négligence, c’est moi qui t’ai tué. Tout le monde est triste, même ceux qui ne te connaissaient pas. Faut dire que j’avais tellement parlé de toi !
Au revoir, petit bonhomme.
Tu vas nous manquer, comme un petit garçon qui n’aura pu grandir.
«C’est bien Martin, gentil Martin, il est beau Martin.»
Mon p’tit bonhomme, mon innocence animale, ma tendresse rebelle.
Un gros bébé si loin des brutalités, des mesquineries, des trahisons, des fourberies, des préoccupations humaines. Tout plein de poils, tout plein d’amour sage et pur.
L’âne Martin s’en est allé ! Quel regret, quels souvenirs, pourtant si bref mais si intenses !
La vue, le toucher, l’odeur, les bruits !
Ta grosse tête appuyée contre le carreau de la porte fenêtre de la cuisine pendant que je corrigeais, et le jeu ! Ce jeu du poulain tout gauche et craintif, ta bouche-main et tes dents que l’on craignait.
Adieu mon Marin, tu me manques, je t’aimais, tu sais ; un fils, un copain, un complice, mort avant que d’avoir pu nous apprécier.
Au paradis des ânes, y’a du foin et de l’amour ?
Réponds-moi vite… A bientôt dans nos rêves, pauvre petit garçon.







Saints d'Orient et d' Occident




Poverello, tu vis dans l’instant, dans l’amour pur, dans la quête de la simplicité, de l’humilité.
Dépouillé de toute ambition, tu vis le bonheur d’être en vie ; éternel béat des joies du monde, tu vas parmi les gens sains.
Siddhârta, oh prince des sens ! Frère d’âme tu petit pauvre, la sensualité de l’Orient te colle à la peau, l’amour et le bien te guident ; la suavité et le désir te précèdent ; pour tous deux tout n’est que poussière.
Poverello, ta poussière est cristalline.
Siddhârta, ta poussière est le sable brûlant.
Vos idéaux sont si proches, vos mondes si ressemblants.
Le premier est un agneau, le second est un félin incandescent.
Se voir ravir, se sentir bondir de l’Occident rigoureux à l’Orient voluptueux.
Je vous aime tous deux, Saint François le, le gueux joyeux ; Bouddha le feu amoureux.
L’extase vous ravit, Marthe et Marie réunies, en lévitation ou en pérégrination je vous accompagne au jour le jour sur cette terre de paradis.
















dimanche 26 novembre 2006

Isabeau



Isabeau,
Chienne farouche que traquent les hommes,
Tu t’enfuis à travers champs sous un ciel d’automne,
Tes cheveux sont sales Isabeau, couverts de boue et de sueur,
Tu galopes à travers trèfles et feuilles,
Isabeau, tes seins bondissent outre chemise,
Sous la rosée glacée tes beaux seins se roidissent,
Ton souffle est court, belle Isabeau.
Cherche un refuge pour tes pieds écorchés,
Les hommes jurent, les hommes crachent, sur leurs chevaux ils se rapprochent.
Couche-toi là, douce victime,
Dans ce lit de violettes tu t’endors,
La chamade bat dans ton cœur,
Le tocsin ébranle la petite lueur,
Tes seins sont las Isabeau, tes seins de miel que soulève ton cœur,
Ils sont là ; leurs chevaux t’encerclent, ils piétinent ton tombeau.
Tu es libre ma belle,
Tu t’enfouis à travers champs sous un ciel d’automne,
Dors mon Isabeau, je t’aimerai et sous le trèfle et sous la feuille.










La belle Maure



Sa chevelure juvénile s’effarouche
La brume mordille ses épaules nues
Le frisson se lit sur sa bouche
La cambrure offerte elle fend les nues.
Les vagues caressent ses courbes brunes
Le vent consume ses yeux café
Le rire se lit sur ses lèvres prune
Le cœur brûlant elle rejoint les fées.
A travers nuées sa grâce s’élance
L’astre du jour embrasse la belle Maure
Le bonheur se lit sur la pourpre qui danse
L’âme mourante elle offre son corps.











C’est entre le grave et le pathétique, juste à côté de la nuit.
Une nuit sans étoiles, sans lueurs opalescentes, sans espoir de ne jamais les revoir.
Un puits de pierres nocturnes renferme tous leurs songes.
L’eau vaporeuse n’a pas de reflets, elle est calme et triste.
Ces âmes froides se sont abîmées ici, juste à côté de la nuit, au fond, sans lueurs, de ce puits sans échos.















mercredi 22 novembre 2006

Ma rencontre avec Fanny Ardant




Fanny,

Le 8 juillet au soir je me suis noyé dans "la mer noire" de votre regard. Nous étions devant le théâtre de la Madeleine. Je vous ai dit: " Moi aussi j'ai payé pour vous voir... Et je vous ai vue! Dans toute votre splendeur, vous êtes magnifique ".
Puis votre voix a coulé telle la lave incandescente au travers de mes sens. Il faisait noir sur votre silhouette élancée. Je vous ai pris la main pour vous saluer et, m'enhardissant je vous demandé si je pouvais vous embrasser. Vous m'avez dit: « bien sûr ». Mes joues ont frôlé vos joues, ma main a caressé votre main. Un pur moment de béatitude. Je vous ai regardé vous éloigner jusqu'à votre taxi, vos bas noirs se chevauchant sous l'impulsion rapide de vos pas.
Je savais avec certitude que je n'étais pas mort. La maladie ne m'atteindrait pas de sitôt.
Continuez de nous insuffler la vie, divine fanny.
De votre démarche à votre voix, de votre regard à votre jeu, rien de ce que vous laissez paraître ne serait être perfectible. Merci

samedi 18 novembre 2006

L'huilier de l'aube


L’huiler de l’aube s’épanche sur les eaux


Les noces seront sereines et solennelles


Ses lourdes larmes épousent les flots


L’onde se pare de calme et de lumière


Le matin est né, il sourit à sa mère...

L'hiver en la nuit


Le jaune s’en va, puis l’orangé,
sur les feuilles le jour s’incline,
plus de force, plus de sève.
L’automne se bat de toutes ses couleurs.
Sans vigueur, sans lueurs s’éteignent ses ardeurs.
Par delà les carreaux glacés, c’est le Grand Hiver
qui gèle le coeur d’une fin d’automne.
Depuis le printemps elle l’espère.
Il est là, ce géant qu’elle attend.
L’Hiver prend la nuit.
La nuit froide aux étoiles dressées
pointe son ombre face au grand corps gelé.
Ils s’étreignent sans manteaux ni lumière.
Le froid, les glacières, les glaçons, les congères ;
Ils s’aiment en une coulée de neige…
Il vient en flocons au sein des ténèbres lunaires.
C’est l’amour de la nuit et du Grand Hiver.
Transis de silence, engourdis de glace crépusculaire,
c’est l’amour de la nuit et du Grand Hiver.




Les arbres sont roux











Visages de cierges, corps de marbre, cœurs d’argile,
Couchés dans le coton moelleux vous dormez.
Votre amour rayonne au cœur de l’hiver.
Ceints de bois lustré, boucles brunes et fils d’or,
Vestiges du printemps meurtri, jamais ne s’enneigeront.
Figées dans la glace claire, vos âmes demeurent.
Les arbres sont roux, le ciel pleure sur vous ses larmes de cristal.
La passion brûle vos cercueils, vos larmes d’amour se fondent en un poème de tendresse.
Si les torrents de vos vies se sont tus, les chaînes de l’ombre vous enlacent.
Les fiancés de la nuit ont scellé leur promesse.

vendredi 17 novembre 2006

Les sangs mêlés

Une main volatile séduit le fruit vespéral

Leur union chauffe les sangs mêlés

Un bouquet de douceur inonde le souffle virginal

Les floralies parfument le cuir salé

Artigues

Quand tu promènes derrière Artigues tu traverses des champs de thym en fleur, du mauve aussi puissant que les lavandes,les chênes
d’en bas sont tout petits et tout tordus, on dirait des petits vieux aux mains noueuses,ils te regardent passer et semblent te dire:
« - T’as vu le papet, y tient le coup pardi !
-Tu vois ces bancaù sous la mousse? Couillon, ils se sont pas montés tous seuls !
-les racines, mon beau ça s’enfonce dans la terre et ça te fait faire des choses estraordinaires.
-Toujours vert le pépé ! Approche... tu vois ces feuilles, regarde les biens, c’est toute ma vie qui est écrite dessus
-Tu les entends mes rameaux? Y chantent aussi bien que mes collègues les rigaù. »

Autant de chênes, autant d’histoires, si tu les écoutais tous ces grands-pères, il faudrait te lever matin pour arriver jusqu’ aux Bellons avant les brousses. Cette ferme, c’est presque un hameau, tu quittes le chemin, tu prends un sentier,sur ta gauche à trois cents mètres c’est un oratoire espécial que tu vas trouver, dans la niche, pas de vierge, ni de saint,juste deux santons peints à l’ancienne : un chasseur et son chien.
C’est qu’ ici, c’est le domaine de chasse des Bellons, les lapins de garenne, les lièvres, les faisans , les cailles, tu les rencontres comme à 1a ville tu croises un chien ou un chat. Quand tu reviens sur tes pas à nouveau sur le chemin tu con tinues jusqu’au domaine Pillaud, encore une réserve de chasse, au mitan de cette campagne c’est la bergerie Pillaud, ouvre tes narines c’est les moutons pardi qui te chatouillent le nez ! Après les Pillaud, c’est les Vernes, encore une bergerie, en haut vit le vieux Gracques, le Berger des Vernes, avec son fils, sa belle fille et leur niston ; en plus des moutons, y ‘à la ferme: des oies, des poules, un cochon, enfin la ferme quoi ! Avec sa basse cour, ses canards, son poulailler et tout le saint Frusquin; quand tu continues ta route, tu tombes sur la Bérarde, la plus grosse ferme du pays, en plus du reste, là-bas ils ont les chevaux, les ânes, les chèvres et même des vaches!

C’est chez eux qu’on va chercher le lait ; ça fait une trotte, mais qu’est -ce qui faut faire!
La garrigue c’est pas la ville, coquin de sort! Quand tu arrives à Longagne, tu quittes Artigues pour entrer à Rians, et Rians c’est déjà plus un village, mais c’est pas encore la ville. A Longagne c’est un chevrier qui habite là avec sa femme, son fils et son troupeau.
A Rians, tu as un vallon qu’on appelle «Beau Mort » va savoir?
D’un bord tu vas à Pourrières, en traversant le vallon aux cent virages, c’est pas un chemin, c’est un serpentin encaissé entre deux montagnes, on y voit jamais le soleil. D’un autre bord c’est la plaine aux couleurs de la Provence, les maïs, les blés, les melons, les courges,
la terre brune fraîchement retournée, les sillons réguliers, les champs d’oliviers et les vignes qui inondent les terrains de leurs ceps qui ont souffert, de leurs grappes violettes
ou verdâtres, avec les sarments à peine taillés qui s’entassent en fagots couleur de miel sur le bord des sentiers.
Plus haut vers la montagne de Lure, c’est Manosque ; les vergers de Manosque, des champs de pommiers à perte de vue.
Ah ! J’allais oublier, mèfi ! Dans nos coins c’est rempli de sangliers, si t’es un bon chasseur, à toi le gibier, avec tous les agachons dans les arbres ou bien, posté derrière les buissons ou les taillis, tu auras de quoi te planquer, si t’es pas chasseur, malheureux ! Ne promène pas sans ton bâton, de temps à autre fais du bruit, frappe les fourrés on sait jamais si une laie a les couillons à l’envers et qu’elle te charge la bestiasse, eh bè, tè, adieu!
Alors, il te plaît mon pays?
Si t‘es un veinard, tu pourras même croiser des renards aux reflets roux argents, ça à la démarche du loup et la gueule du chat, crois moi c’est une merveille!
Dis, je t’ai parlé du coucou ? Si tu l’entends, remue les quatre sous que tu as en poche, il apporte la fortune. Allez, viens, je t’attends, marche, en suivant le parler des oiseaux tu y arriveras les yeux fermés dans ma campagne.

Notre fruit


Sous mes doigts d’argile


Ton échine fébrile tressaute


Sur tes seins graciles


Ma bouche agile grignote


Sur mon poignard érectile


Tes lèvres latines sanglotent

La ballade des pendus



Frères humains qui après nous vivez N'ayez les coeurs contre nous endurciz,Car, ce pitié de nous pauvres avez,Dieu en aura plus tost de vous merciz.Vous nous voyez ci, attachés cinq, sixQuant de la chair, que trop avons nourrie,Elle est piéca devorée et pourrie,Et nous les os, devenons cendre et pouldre.De nostre mal personne ne s'en rie:Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre!
Se frères vous clamons, pas n'en devezAvoir desdain, quoy que fusmes occizPar justice. Toutefois, vous savezQue tous hommes n'ont pas le sens rassiz;Excusez nous, puis que sommes transsis,Envers le filz de la Vierge Marie,Que sa grâce ne soit pour nous tarie,Nous préservant de l'infernale fouldreNous sommes mors, ame ne nous harie;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
La pluye nous a débuez et lavez,Et le soleil desséchez et noirciz:Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavezEt arraché la barbe et les sourciz.Jamais nul temps nous ne sommes assis;Puis ca, puis là, comme le vent varie,A son plaisir sans cesser nous charie,Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.Ne soyez donc de nostre confrarie;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!
Prince Jhésus, qui sur tous a maistrie,Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:A luy n'avons que faire ne que souldre.Hommes, icy n'a point de mocquerie;Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!


François Villon

Frères humains,
A écouter chanté par Reggiani, un texte universel qui devient un chant de grâce, une prière bien plus païenne qu'il n'y paraît d'où l'humanisme transpire autant que souffrent ces pendus-ci.
Un parallèle subtil, pour qui voudrait déchiffrer les arcanes thématiques, avec la chanson de Raphaël : " Caravane "...


La rosée de l'été







Elle est belle comme le jour,
Il est frais comme l’amour,
Ne piétinez pas la rosée de l’été,
Sur ces papillons folâtres qui s’aiment en liberté.
Sais-tu que l’amour est comme les blés ?
Gorgé de soleil, il s’épanouit,
Une fois fauché, il se gonfle de chaleur,
Comme le bon pain sorti du four il prend de l’ampleur.
Ecoute sa croûte qui craque…
Respire sa mie qui exhale le parfum mœlleux de la chair tremblante,
La passion se vit au delà du feu de paille,
Lorsque les blés se consument au cœur de l’été,
Si tu sais les préserver, les blés couvrent ta tête en hiver,
Les toits de chaumes protègent ton foyer,
Aussi faut-il l’empêcher de brûler.
N’attisez pas les flammes de la rancœur,
Taisez vous et écoutez …

Portrait de jeune homme par Sandro Botticelli



L'austérité de la figure représentée autorise à penser que le jeune homme en question pourrait être un des " pleurants ", qui, sous le gouvernement intégriste de Savonarole, à Florence (1494-1498), passaient de maison en maison afin de faire pleurer les gens sur leurs péchés, et de les pousser à brûler leurs biens sur les bûchers de vanité (Botticelli aurait, d'ailleurs, brûlé plusieurs toiles mythologiques lascives).
D'autres critiques proposent l' analyse suivante: La perfection de la beauté juvénile telle qu'on la concevait en Italie au XV ° siècle . Le regard du jeune homme de Botticelli est empli d'une fougue toute latine !
Pour ma part, ce portrait me captive dans sa justesse, dans sa vérité, presque dérangeant il rayonne d'évidence et de beauté.


La maison







Un bébé pleure au rez-de-chaussée, la cage d’escalier résonne de ses larmes, il fait noir.
A chaque palier, un foyer qui ronronne, un couple en pyjama, en robe de chambre, un téléviseur éclaire la pièce ou bien une douce lumière le remplace, projetant son jour sur un livre de chevet.
Les pages se tournent lentement, il fait bon, un fauteuil ou bien un lit moelleux entretiennent la quiétude.
L’interrupteur du hall d’entrée est actionné, la lumière s’impose le temps que la minuterie remplisse son office, le bébé s’est calmé, on entend vaguement de brefs sanglots, puis … plus rien.
« Dors, mon bébé, papa et maman sont là, en pyjama, en robe de chambre, le téléviseur bourdonne, le canapé est confortable et le tapis est chaud comme le nid où tu grandis ».
Le noir a repris possession de l’escalier, les marches luisent dans la pénombre ; nous sommes tous voisins, chacun chez soi « home sweet home », intimité, sécurité, chaleur, famille, tendresse; dehors l’air est vif et piquant, le bruit agresse les tympans.

La rentrée 1997

























Jeudi 4 septembre 1997

Rentrée scolaire au collège Vieux Port à Marseille


Les sixièmes sont rentrés ce matin, les étiquettes étaient encore accrochées aux cartables, les baskets faisaient leurs premiers pas, les petits CM2 ouvraient de grands yeux, les redoublants bombaient le torse et faisaient leur loi.
L’après-midi fut consacrée à la réunion parents-enfants-professeurs-vie scolaire-directeurs.
Que la pauvreté fait mal au genre humain, tous ces gens-là la portaient comme inscrite sur leur front, elle, cette tare qui s’accompagne de ses acolytes : bêtise, ignorance et indigence. Nous sommes loin de Saint François D’assise …Jabba existe, je l’ai rencontré sous la forme d’une mère de famille dégoulinante de graisse malade, au souffle court, à la démarche boiteuse. La pauvre femme avait des cheveux sans couleur tirés en une méchante queue de poireaux, ses dents étaient rares, son corps était énorme, éléphantesque, ses chevilles étaient bandés de gaze mal enroulée, ses pieds, enchâssés dans de minuscules savates, trouaient le bitume.
Elle nous dit qu’elle n’avait pas pu se libérer plus tôt car elle travaille dans « la restauration », sa bonhomie simpliste et son sourire nous font oublier son apparence, elle s’éloigne vers l’endroit que nous venons de lui indiquer, sans grâce ni élégance, c’est la pauvreté qui écrase le sol là-bas.
Les mamma défilent enrubannées dans leur boubou chatoyant, c’est l’Afrique qui marche, le Kenya devant, le Maghreb derrière. De belles personnes, des mal lavés, des mal rasés, des mal vêtus, des mal être.
Une maman est entrée avec un balai à la main dont la brosse est emballée dans un sac plastique. La cour de récréation s’est métamorphosée en gigantesque Cour des miracles, Victor Hugo n’est pas mort, les Misérables non plus.
Pourquoi tant d’humilité dans leur regard ? Pourquoi tant de soumission, tant d’abnégation et de vénération pour ces professeurs, pour ces savants qui détiennent la richesse de l’esprit mais peut-être pas celle du cœur ?

jeudi 16 novembre 2006

Aujourd'hui Rebecca m'a offert un parfum




Aujourd’hui Rebecca m’a offert un parfum, c’est la Saint-Valentin . Bel Ami, c’est ainsi qu’il se nomme.
Je n’ai pas encore lu le récit de Maupassant mais ce que je puis dire sur ce parfum, c’est qu’au bout de huit, voire dix inhalations de fragrances plus ou moins fades, plus ou moins ternes, le poivre de Bel Ami a charmé mes narines.
Il n’a rien à voir avec l’odeur de pisse de Fahrenheit ou bien encore avec le fumet de soupe au potiron s’exhalant de Dune, un nom bien exotique pour des légumes qui poussent dans nos potagers.
Angel, Vétiver, Lalique se détachaient du lot alcoolisé des pastels communs mais, les épices de Bel Ami font de ce parfum quelque chose d’envoûtant, de fort, de musqué, de viril et pourtant, il recèle un soupçon de sensualité charnelle, un rien de féminin, une odeur de rendez-vous, une saveur de poitrine en sueur au beau milieu de l’amour, un dessin de nus enlacés qui s’empoignent par la chevelure, la tête rejetée en arrière, les yeux mourants, les seins durcis frôlant le grand mât des voyages lointains.
Bel Ami, c’est l’Orient -Express qui chavire le cœur des amants dans les compartiments capitonnés de rouge et d’or, c’est une mangue et une goyave écrasées sous l’assise charnelle d’une femme que l’on déguste au dessert, renversée sur la coupe de fruits, qui mêle aux saveurs tropicales le jus acide de sa source d’amour.
Enfin, Bel Ami, c’est un long voile, au vent offert, imprimé de toutes ces scènes, embaumé de toutes ces senteurs.
Aujourd’hui Rebecca m’a offert un parfum, c’est la Saint-Valentin.

Embuscade à Saint-Benoît


Noircie par le crayon du soir, la montagne s’alourdit, les arbres s’étirent dans le ciel sans lueur, les racines s’endorment dans la terre brune, les troncs se décorsettent pour s’habiller de nuit, les feuilles s’abandonnent à la caresse du vent.
Nous marchons déjà depuis la tombée du soleil, Filou nous guide dans la pénombre des bois, ses pattes s’enfoncent mollement dans le tapis feuillu, alors que nos pas écrasent le peuple noctambule des sous-bois.
Soudain, ses yeux verts se tournent vers nous et luisent ardemment, la queue en point d’interrogation, il se met aussitôt dans la posture du chien d ‘arrêt.
Silence de deuil, le sentier est jonché de branches enchevêtrées, Filou a flairé l’embuscade ; encore un coup des brigands de Saint-Benoît, la vieille se poste à la lisière d’un bois et son mari, de sa voix d’apocalypse, fait pleuvoir glands et branchages sur les pauvres hères de notre espèce.
Comme nous connaissons leur stratagème, nous quittons le sentier et courrons nous enfouir dans le bois ; nous contournons la vieille et allons nous abriter sous un rocher voûté.
A peine à l’abri, retentit la voix de Calzato, le ciel se déchire, tremblement de ramée, pluie de projectiles végétaux ; nous sommes sauvés mais Filou a l’air inquiet, les oreilles dressées, il guette.
Son inquiétude est justifiée, la vieille patrouille dans le bois accompagnée de Zoulou, la bestiole hurlante.
Cela fait déjà trois jours que nous sommes sans nouvelles de Youri, nous pensons qu’il s’est infiltré au sein des brigands pour déjouer leurs viles embuscades.



Ballade sur les sentiers de l’enfance, je me vois en papa, le p’tit bout me tenant la main, de l’autre côté la main de maman.
J’ai déjà vécu ici, c’est sûr, je connais cet endroit, c’est l’enfance imaginaire, verte, où les prés sont tendres et humides, parsemés d’arbres fruitiers : châtaigniers, marronniers, noisetiers,
amandiers… Soudain un chemin de traverse où les herbes chevelues sont coiffées par la pluie, un chemin tordu, escarpé, qui coule vers la rivière ; en contrebas, nous voilà assis sur un rocher moussu.
Des siècles de légendes inondent ce lieu, les eaux sont torrentielles, elles lavent les pierres et les rochers comme une chatte lave ses petits.
Je m’imagine, moi, son père, et lui, le p’tit bonhomme en culottes courtes de la pub d’Herta …
« Ne passons pas à côtés des choses simples ».
Un p’tit moulin à eau fait de lamelles de bois et d’un bouchon de liège coincé entre deux rochers… Vivement ce temps là …
Youri s’ébat follement dans les prés mamelonnés, de temps à autre il se vautre dans les crottes de chèvres et dans le crottin de cheval …
C’est un paysan de chien qui ne passe pas à côté des choses simples.
La fatigue se fait sentir, notre haleine est courte, nos jambes sont molles, il est temps de rentrer… Ne pas continuer.
Elle a une irrésistible envie de s’offrir dans la nature, là où chante une rivière. Mais je n’étais pas sur son nuage. Le mien était enfantin, mes songes étaient chastes et purs, les siens étaient mouillés comme les fougères.
Nous voici à présent au pied de l’église, au dessus des murettes, par delà un escalier en pierres. La visite du cimetière ne fut pas uniquement un songe du passé, quelques âmes du temps présent reposent aussi au milieu du marbre gris. Un camposanto di villaggio colla gente morta in guerra, tante date del 1944, 1942, 1943 … e poi, un giovane morto quest’anno colla moto incisa sul marmo nero : « Aqui Domini ».
Lorsque nous eûmes fini notre déjeuné, nous étions bien pansus et notre palais nous remercia de l’avoir si grandement délecté.
Une après-midi des plus originales, le plus voluptueux des paysages : le château de Crau.
Des siècles pierreux dominent un vallon enchanté où serpentent des ruisseaux, où s’alanguissent les eaux stagnantes ; l’herbe est drue ; au pied des châtaigniers, d’innombrables hérissons s’endorment, ce sont les bogues o gusci delle castagne, rousses comme ma barbe, qui annoncent l’automne et son cortège de fauves et d’ocres.
Quelques corbeaux coassent dans le fond du vallon pour nous rappeler que l’automne c’est aussi une chemise de trappeur et un pantalon de velours.
Au cœur de cette allégresse, nous nous enfonçâmes dans le lit du val puis, nous choisîmes pour couche le pied d’un châtaigner que je déblayai prestement. Au dessus de nos regards, la ramée, large et feuillue, nous abritait des averses mutines.
C’était la cabane que les amoureux habitent le temps d’un baiser, le temps d’un éclair, lorsqu’ils se serrent fort pour adoucir le tonnerre. Nous nous aimâmes au milieu des fauvettes, il faisait frais, la nature nous sourit.


Epithaphe pour tonton


« Tu t’en vas joyeux sur les chemins de pierres », un brin d’herbes au coin des lèvres et, Sylvain, dieu romain des champs et des forêts, tu étais heureux.
On cherche souvent des choses bien compliquées pour avoir le bonheur ; alors que, « ce petit chemin qui sent la noisette », ce brin de romarin, cette brindille de farigoule, cette petite lavande à mâchonner sous le ciel bleu du midi, c’est déjà beaucoup, c’est essentiel, cela définit tout simplement l’histoire d’un homme bon, généreux, jovial, le cœur sur la main et la main italienne, prête à jouer toutes les variations : de l’andante à l’allegro, du piano au fortissimo, du lento au prestissimo.
Tu aimais bien les chercher les sanguins mais… « Gare », si en cherchant un peu trop on venait à te trouver, toi : sanguin comme pas deux, volcan bouillonnant de vie, tonitruant d’ardeur. Un volcan oui, mais recouvert de fleurs, de tout ce qu’il y a de plus doux, de plus tendre, de plus pur.
Dans un rire, en l’espace d’un regard on devinait l’homme entier que tu as toujours été ; sincère, franc, ( peut - être trop, même, parfois ), engagé, militant de l’amour, troubadour de la fraternité et de justice entre les hommes.
Tes idées, tu savais les faire connaître et « la révolution sonnait en ton cratère ».
« Ouvriers, paysans nous sommes, le grand parti des travailleurs, la terre n’appartient qu’aux hommes, l’oisif ira loger ailleurs… »
Ces paroles, parmi tant d’autres, n’étaient pas pour toi que des chansons, mais bien plus : des vérités à défendre, des pensées à répandre.
Que l’on te connaisse depuis toujours ou depuis peu, tu n’as laissé personne indifférent, on se souviendra de toi comme d’un personnage de roman, une figure de Giono, de Pagnol, un gars du midi, un soleil dans notre vie.

Nous t’aimons autant que tu as su nous aimer.
A bientôt, dormi in pace.


LA VIEILLE




Jadis en éveil

Ses prunelles fleurent le ciel

Lors elles sommeillent

Mouchées sont ses chandelles

Une bouchée de néant, un verre de vent

Céleste est le chemin nonante

La vieille s’endort, son monde est blanc

L'enfant clé

Tout d’abord il y eut ces odeurs, les odeurs apportées par des centaines d’élèves plus ou moins noirs, plus ou moins propres, plus ou moins parfumés qui franchissaient, en grappes de muscat, la grille du portail d’entrée. Des odeurs de peaux, musquées, fortes, en sueur ; des odeurs de vêtements remplis de vieux relents, imbibés de la transpiration de la veille, des vêtements mal séchés qui respirent le vomi, les pieds et les œufs ; des odeurs de coquetteries, exhalées par les toisons brunes et frisées, d’où les shampooings bon marché et les lotions en tous genres, vous empoignent les narines. Des odeurs exhalées par les peaux parfumées depuis peu ; des odeurs fétides s’échappant des bouches occupées à échanger leur haleine.
Ensuite, il y eut cet enfant, ce petit sixième à la cantine : L’enfant clé.
Il portait autour de son cou, en guise de pendentif, accroché à une méchante ficelle, une clé grisâtre, toute simple et pourtant riche de sens …
L’enfant clé est un rayon de soleil, il est tout petit, tout frisé et son sourire est un poème.
Cette clé le fait grandir trop vite, cette clé annonce sa solitude.
Personne ne viendra l’accueillir sur le seuil de sa porte.
Pas de maman, les bras ouverts.
Pas de chocolat fumant sur la table de la cuisine, mais des bus, des cars et la télé qui s’allume.
L’enfant clé rentre du boulot comme rentrerait son père s’il était seul.